Automobile
quelles énergies pour une transition écologique réussie ?Si le véhicule à propulsion électrique est apparu dans nos rues avant le véhicule à propulsion thermique car plus simple technologiquement, il est supplanté dès le début du XXème siècle par ce second bien plus avantageux économiquement. En effet, le fordisme réduit drastiquement le coût de production des moteurs à essence qui possèdent déjà un sérieux avantage en termes de performances et de rayon d’action. C’est réellement dans les années 70 par la conjonction du premier choc pétrolier et d’une prise de conscience écologique que la recherche sur les batteries de forte capacité va repartir de l’avant.
Camille Jenatzy et sa « Jamais contente » passe le cap des 100km/h à bord d’un véhicule électrique en 1899.
Aujourd’hui de nouveau sur le devant de la scène, le véhicule à propulsion électrique revient avec des systèmes de stockage plus performants dont principalement les batteries lithium-ion et bientôt l’hydrogène. Avec de nouvelles cartes en main, le duel des énergies pour la propulsion des automobiles reprend donc un siècle plus tard avec des acteurs inchangés : propulsion électrique VS propulsion thermique
Préambule et facteurs influents sur la performance énergétique automobile
Avant de s’intéresser au mode de propulsion, il est judicieux de s’arrêter sur l’évolution de nos véhicules et l’usage que nous en avons. Nous nous apercevrons alors que la motorisation, si elle a fait d’énormes progrès, ne peut à elle seule résoudre tous les problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés.
Pour commencer, on peut citer le taux d’occupation moyen d’un véhicule qui se situe en Europe en dessous de 1,5 passager par véhicule (Source Eurostat) et même en dessous de 1,3 passager par véhicule pour les trajets pendulaires quotidiens. Cette première statistique a de quoi questionner sur le choix de l’automobile pour les trajets quotidiens dans un contexte de réduction de la consommation énergétique globale.
Si l’on considère maintenant l’automobile comme moyen de locomotion privilégié, on peut remarquer que sa masse et sa forme ont considérablement évolué en quelques décennies, poussées par des désirs de confort, d’équipement et de sécurité.
Ces deux caractéristiques sont pourtant celles qui impactent le plus la consommation énergétique du véhicule sur un cycle normalisé WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedure) qui se veut représentatif d’une utilisation moyenne.
Figure 2 : présentation du cycle de conduite du WLTP
En effet, à technologie comparable :
Une augmentation de 10% de la masse accroît de 7% la consommation de carburant.
Une augmentation de 20% de la résistance aérodynamique accroît de 6% la consommation de carburant.
La masse s’oppose directement à l’accélération par effet d’inertie (Principe fondamental de la dynamique). Si l’énergie emmagasinée lors de l’accélération n’est pas partiellement récupérée au freinage comme dans les véhicules électriques ou hybrides, elle est alors totalement dissipée thermiquement par les freins. Le cycle WLTP est très friand de ces phases transitoires comme le montre la figure 2 ce qui explique l’impact de la masse du véhicule sur sa consommation.
La masse moyenne des véhicules à propulsion thermique vendus en France a augmenté de 30% en 30 ans (Source ADEME)
Figure 1 : Evolution de la masse moyenne des VP neufs vendus en France
La forme du véhicule et la traînée qui en résulte (effort aérodynamique résistant à l’avancement) est surtout impactante à haute vitesse (> 70km/h). La réglementation a su s’adapter en proposant désormais dans le cycle d’homologation plus de 20% du temps au-dessus de cette vitesse, raison pour laquelle la traînée revêt une importance capitale.
La traînée des véhicules s’est aussi envolée avec l’avènement des véhicules hauts type SUV et ce malgré un travail important des constructeurs pour réduire le Cx (Coefficient de pénétration dans l’air).
Ainsi, un SUV standard possède une traînée 20% supérieure à un véhicule de capacité équivalente dans la gamme berline compacte.
On l’aura compris, le match des propulsions s’inscrit donc dans une tendance à la hausse des besoins énergétiques du véhicule.
Bilan énergétique du véhicule – avantage indéniable au moteur électrique
(Ce match est réalisé sur cycle WLTP sur le segment des berlines compactes : 308, GOLF, Mégane, …)
Concentrons-nous maintenant à comparer deux véhicules similaires dont seul le mode de propulsion diffère ; thermique pour l’un, électrique à batterie pour l’autre. Le véhicule hybride sera volontairement écarté de ce match car il existe nombre de niveaux d’hybridation différents et le ratio temps d’utilisation / temps de recharge impacte trop grandement les conclusions. On pourra néanmoins en première approche considérer le véhicule hybride comme un barycentre entre une propulsion électrique et une propulsion thermique ; la capacité des batteries représentera alors le coefficient de pondération.
Retour à notre match donc qui, malgré l’écart de masse en nette défaveur pour l’électrique (environ +25 % pour une berline compacte), propulse l’électrique en grand gagnant avec une facture énergétique d’environ 14 kW.h /100km alors que son équivalent thermique consomme plus du triple (45 kW.h /100km pour le diesel et 55 kW.h /100km pour l’essence) (Source rédacteur). Le tout sans émission de CO2 ni autre forme de polluant gazeux !
Ce KO est imputable au piètre rendement du moteur thermique dont même les avancées technologiques les plus récentes se heurtent à la réalité de la thermodynamique et qui plafonne à 40% dans les meilleurs cas d’utilisation. La chaîne de traction électrique de son côté atteint un rendement d’environ 70% (85% si on considère la récupération de l’énergie au freinage) (Source : US department of Energy).
Bilan énergétique du puits à la roue – l’importance du contexte national
Avec l’essor des énergies renouvelables, il est difficile de continuer à parler de rendement pour la production d’électricité tant le rendement d’une éolienne ou d’une usine hydro-électrique nous est indifférent ; personne ne va se plaindre qu’on lui ait « retiré » du vent ! Ce qui nous importe est la quantité de déchets générés par kW.h fourni : CO2 ou déchet nucléaire principalement ! Au sein même de l’Europe, la production d’électricité est très disparate en atteste la carte suivante :
Pour ne pas ouvrir la porte au débat pro ou anti-nucléaire, nous prendrons comme cas d’étude :
le Portugal (50% renouvelable / 25% gaz / 25% charbon)
l’Italie (35% renouvelable / 50% gaz / 15% charbon et pétrole)
la Pologne (15% renouvelable / 85% charbon)
En intégrant le rendement du réseau électrique jusqu’à la charge de la batterie, notre véhicule électrique consommera 60g/km de CO2 en Italie et au Portugal mais 150g/km en Pologne. Rappelons que son concurrent thermique consommera environ 130g/km en intégrant le rendement de raffinage (Source rédacteur).
Conclusion – du pragmatisme et un mix énergétique cohérent
Comme souvent, il n’y a pas une seule vérité et le choix du mode de propulsion devra avant tout être dicté par le contexte local et la typologie le l’usager.
Des pays ou régions ayant une forte proportion de production électrique renouvelable pourront inciter leur population à rouler à l’énergie électrique comme c’est déjà le cas en Norvège.
Le véhicule électrique est aussi une solution à court terme pour réduire l’intensité des pics de pollution aux oxydes d’azote ou aux particules fines dans les mégalopoles.
Dans un avenir proche, le miracle technologique semble donc limité. L’hydrogène pourra supplanter les batteries pour le stockage de l’énergie embarquée mais il ne diminuera pas pour autant les émissions de CO2 “du puits à la roue”, au contraire. Il nous reste donc à apprendre à optimiser nos déplacements à travers une réévaluation de nos priorités entre écologie, confort et immédiateté.
Par Olivier M.
Pour aller plus loin:
- Emission des véhicules en conditions réelles :
- Hybride :
Hybrides rechargeables : leur consommation réelle au cœur d’une nouvelle étude
- Emissions de la production électrique :